Analyse du premier tour de l’élection présidentielle 2022 par Victorien Mérand Maurel

Les résultats du premier tour de l’élection présidentielle de cette année 2022 sont clairs : on observe la réapparition d’un clivage gauche-droite fort, renforcé par les effets de votes “utiles” dans tous les milieux, on note la montée des partis dits des extrêmes et de l’abstention.

Tout d’abord, parlons de l’abstention justement qui a atteint 26% cette année. Depuis de nombreuses années, cette pratique s’étend parmi les personnes pouvant voter au point d’être à un niveau quasi équivalent au record d’abstention de 2002 qui était de 28%. Cette abstention n’est pas la marque de l’immaturité de certains électeurs, bien au contraire cela est un acte politique. Cette pratique démontre le désintérêt croissant et le manque de représentation d’une partie importante de la population en politique. En outre, la non reconnaissance du vote blanc et du vote nul pousse des nombreuses personnes à s’abstenir pour renforcer leur mécontentement vis-à-vis des politiciens en ne figurant pas dans les statistiques des votants. Cette pratique est d’autant plus grave qu’elle remet en question la santé de notre démocratie et de la représentation et de la protection des intérêts du peuple. Enfin, cette montée de l’abstention remet aussi en cause la légitimité des personnalités politiques élues et de la stabilité de leurs politiques. En effet, si un quart de la population ne vote pas et que seule une petite majorité de votants vous choisissent, cela signifie alors que la majorité de la population n’a pas voté pour vous, qu’elle ne vous a pas choisi. Ceci entraîne donc une instabilité des politiques mises en place puisque ces dernières pourront être contestées, à tort ou à raison, par une majorité de la population.

Pour ce qui est de l’âge de ces abstentionnistes, on peut remarquer que près de 44% des 18-34 ans sont concernés et que les autres tranches d’âges sont concernées à plus de 12%. Cela s’explique par un manque de confiance et de considérations de ces générations envers les personnalités politiques et leurs propositions. En termes d’origine socioprofessionnelle, on peut voir qu’un tiers des ouvriers, 26% des cadres et 27% des employés se sont abstenus. Ceci démontre que l’abstention est présente dans toute la société, ne touchant donc pas de prétendu “immature” parmi les citoyens comme certaines personnalités politiques l’affirment. 

Pour ce qui est de la réapparition des clivages, cela se voit notamment par les effets de votes “utiles” à gauche comme à droite du spectre politique. Ces phénomènes ont notamment favorisé la personne d’extrême droite qu’est Marine LE PEN et le radical de gauche qu’est Jean-Luc MÉLENCHON, qui ont tous deux recueillis plus de 21% des votes. De son côté, Emmanuel MACRON n’est pas en reste puisqu’il a réussi à collecter 28% des voix. Ces clivages sont dûs aux volontés de faire barrage ou bien à un extrême ou bien à Emmanuel MACRON et sont également la conséquence de l’effondrement idéologique des partis historiques de droite comme Les Républicains (4,7% des voix) et de gauche comme le Parti Socialiste (1,7% des voix). On pourra enfin remarquer l’arrivée d’une nouvelle personnalité dans la sphère politique en la personne d’Eric ZEMMOUR, et son idéologie d’une extrême droite plus radicale que celle existante au Rassemblement national jusqu’alors, et qui a su s’imposer (7% des voix) face à des partis historiques. 

Pour ce qui est de l’origine socioprofessionnelle des votants, on observe tout d’abord que les milieux populaires les moins aisés et les plus insatisfaits de leurs conditions de vie ont voté pour Marine LE PEN (37%) et Jean-Luc MÉLENCHON (27%), là où les milieux les plus aisés et les plus satisfaits de leurs conditions ont voté pour Emmanuel MACRON (53%). On observe aussi que les personnes les plus diplômées (bac+3 et plus) votent en priorité pour Emmanuel MACRON (33%) et Jean-Luc MÉLENCHON (26%), et celles les moins diplômées préférant Marine LE PEN (35%) et Emmanuel MACRON (23%). Il est aussi possible de constater que le jeune électorat (18-34 ans) a en priorité voté pour Jean-Luc MÉLENCHON (32%) et Marine LE PEN (26%). Toutes ces données démontrent la divergence d’opinion croissante entre les jeunes générations et les plus anciennes, mais aussi un attrait, pour ces jeunes générations, de plus en plus fort pour les personnalités politiques ayant un caractère clairement défini quand bien même cela soit dans un sens plus extrême. Il est par ailleurs important de constater que nos aînés (60 ans et plus) ont fait le choix de la stabilité politique en tant de guerre en votant pour Emmanuel MACRON (36%). Enfin on ne peut que constater que les rumeurs, le cliché, selon lequel Emmanuel MACRON serait le “président des riches” semble n’être que légèrement exagéré puisqu’il est vrai que les électeurs de ce candidat à cette élection ont pour la (quasi)totalité d’entre eux des niveaux de vie qui ne prêtent pas à les considérer comme étant pauvres ou dans le besoin.

S’il ne faut retenir qu’une chose que ce premier tour de l’élection présidentielle, c’est que les français sont de plus en plus opposés politiquement, même s’il est possible de voir qu’une majorité de français n’a pas choisi au premier tour, le “tour de coeur”, le vainqueur de ces élections présidentielles qu’est Emmanuel MACRON, candidat n’ayant réalisé “que” 27,85% lors de ce premier tour. On peut donc se questionner sur une réelle volonté de la part de la majorité des votants de maintenir ce président en place pour 5 années supplémentaires.